LA VÉRITÉ REPUBLICAINE.
Liberté, Égalité, Fraternité.
C ARC AS SONNE; CE 23 MARS 1848.
De l'Union Républicaine.
La France est appelée à donner au monde le
plus grand spectacle des temps modernes.
Une royauté élue, entée sur l'hérédité, a été
brisée par un peuple vengeur, comme une bran-
che vermoulue sur un tronc mine dans ses ra-
cines.
La logique de la liberté a passé dans les faits.
Tout sophisme politique a été submergé.dans
une puissante irruption des principes, et la
souveraineté a reconquis son domaine.
A la nouvelle de celle immense révolution ,
en face des pouvoirs partout abattus ou fuyant
devant les manifestations populaires, la France,
émue sans être ébranlée, s'est montrée con-
fiante dans l'avenir , et calme dans sa force.
Alors que toute autorité constituée tombait de-
vant la souveraineté nationale, l'esprit civique
s'est régi lui-même, et le peuple et l'armée
ont obéi au gouvernement de la. raison public
que.
Le peuple français, ce premier-né de la çi-
vilisation, est rendu à lui-même .et à tous les
peuples ses frères, qui attendent de lui l'exem-
ple d'un ordre social fondé sur le respect de
tous les droits, et l'enseignement d'une liberté
pacifique. Par lui et pour, lui, l'idée triomphe
de la matière, le drapeau du droit national est
arboré sur les ruines de la force, et la France
: le salue d'un long cri d'admiration. Elle justifie,
elle grandit encore, par son courage et par sa
sagesse, sa vieille" renommée d'institutrice du
monde, rôle éclatant dont elle a toujours les
combats comme les gloires.
Les révolutions de l'Europe moderne se sont
toutes accomplies au nom et par la puissance
des idées.
Il n'y a point eu de révolution de palais,
toutes ont eu leur racine dans la conscience
humaine. Mais toutes aussi, plus ou moins in-
fidèles à leur principe, l'ont arrachée ou vio-
lemment ébranlée, en déchirant le coeur des
peuples. Elle sont dévié de leur ligne. Elles ont
fait fausse route sous le vent des passions des-
potiques ou d'un fanatisme barbare, dans l'ar-
bitraire ou dans le sang.
L'Angleterre de 1640 et de 1688, dominée
bientôt par des sectaires, opprima la conscience
religieuse et riva les fers de l'Irlande. La France
de 1789 aboutit, à travers de longues tempêtes
sillonnées des éclairs de la gloire, à une halte
non moins glorieuse sous le despotisme. L'Em-
pire a ployé sous le faix de ses conquêtes,
que la liberté seule aurait pu porter quelque
temps, pour s'en décharger ensuite en les dis-
tribuant, comme un patrimoine, aux peuples af-
franchis. La pensée et la liberté eussent pu
seules animer la France impériale d'une vie
durable; mais en se retirant elles laissèrent à
découvert le néant dé la force. La restauration
a péri par-l'excès de son principe, l'autorité ,
qui a méconnu la liberté,. La royauté de 1830,
au contraire, servie par des majorités vénales,
à' voulu étouffer son principe ; mais bientôt
énervée par la corruption, à bout de voie, elle
a trébuché au sépulcre où elle avait enseveli la
liberté.
Eh bien ! la liberté immortelle s'est levée.
Aujourd'hui, comme au siècle dernier , elle
est debout au milieu des débris gisants sur le
sol. Mais celte fois elle n'a plus d'ennemis en
face , et c'est par les bras de tout un peuple ,
par le concours de toutes les volontés, de tous
les talents, de toutes les âmes qu'elle va élever
son monument.
Ce monument , c'est la République.
I1 sera inébranlable sur des bases affermies
par l'expérience du passé. Les volontés unies
le préserveront de toute secousse, et il abritera
les générations de l'avenir.
La République , c'est le gouvernement du
droit. Or. , le droit est universel de sa nature;
il appartient au corps entier et à chacun, de ses
membres. C'est la raison divine et la raison phi-
losophique qui l'ont promulgué dans le monde.
Nulle constitution politique ne peut tenir contre
le droit, et tout ce qui se fait sans lui est contre
lui.
De même tout ce qui se fait sans le peuple
est contre le peuple. ■
Il faut qu'un commun foyer, où viennent
converger tous les rayons du génie français ,
de l'âme française, brille au front de la répu-
blique ; qu'il darde sa clarté par-delà les fron-
tières , sur la tête des peuples attentifs , et
que tout ce qui pense et sent dans le monde,
toute idée et toute vertu, s'éclaire à cette
lumière tranquille et large.
I1 faut que toute conscience soit respectée ,
soit libre; que le jeu franc des intelligences, la
spontanéité des actes du citoyen imprime sur
le berceau de la République un sceau auguste
comme la sagesse, puissant comme la liberté,
éternel comme la vérité.
Il faut qu'un même esprit civique anime tout
le grand corps; que la vie générale n'ait qu'un
même coeur , la patrie ; un même principe, le
peuple; de mêmes organes, les lois; un même
cerveau, l'idée de la République.
Mais il faut surtout que le peuple français
tout entier sente circuler en lui la vie nouvelle;
qu'elle pénètre partout, jusque dans les derniers
retranchements des montagnes, et qu'elle élè-
ve, échauffe, remue les intelligences les plus
humbles et les coeurs les plus engourdis.
Et qu'on ne croie pas que ce soit là une cho-
se impossible. Déjà la France a prouvé ce que
peuvent dans son sein les idées de liberté. Ses
enfants les plus obscurs se transforment en
héros. Appuyée autrefois sur eux, elle a fait
tête au choc du monde ; et tandis qu'elle était
livrée à de terribles crises intérieures, elle a
cotoyé l'abîme pour gravir jusqu'au sommet de
la gloire.
Ce que le sentiment de l'indépendance natio-
nale fit alors, le sentiment du droit et du de-
voir le fera aujourd'hui dans tous les rangs du
peuple.
Ce sentiment est naturel à l'homme.
En France surtout, on peut éveiller dans les
âmes l'ardeur du civisme aussi vivement que
l'ardeur des batailles. Toutes les sortes de pa-
triotisme , tous les modes d'exercer la souve-
raineté du citoyen passeront dans les moeurs et
dans les habitudes du peuple.
Que le peuple donc entende la voix du temps
et qu'il se connaisse! qu'il s'inspire dé cet in-
faillible instinct qui bat dans sa poitrine , qui
régit ses masses aux jours du danger et de l'hé-
roïsme , et qui les rassied dans un calme im-
posant après le triomphe ! qu'il ne laisse point
sommeiller sa victoire, mais qu'il veille avec
elle sur ses destinées , pour qu'elles ne tombent
jamais aux mains des dictateurs!
Car c'est avant tout par la dictature que les
plus belles conquêtes du peuple risquent d'être
perdues ; c'est par elle que nous voyons trop
souvent dans l'histoire, au bout des révolutions,
les mains du peuple enchaînées et ses larmes
couler.
Disons-le hautement.. Quelle est la plus forte
objection des hommes d'oligarchie contre les
révolutions populaires? évidemment c'est celle
qu'ils fondent sur le fatal résultat des ambi-
tions , du fanatisme et des conflits que , sui-
vant eux, ces révolutions excitent: Ils nous
montrent d'abord la liberté aux prises avec la
licence , et puis, la dictature qui vient mettre
fin à la querelle des deux ennemies , et leur
imposerla paix de la mort. Comme si l'huma-
nité était condamnée à des luttes toujours re-
naissantes dans un cerele inflexible sans autre
trêve que le temps nécessaire pour reprendre
haleine et pour s'armer de nouveau contre elle-
même !
Non , ces prédictions impies ne sont point
le mot de l'avenir; non, elles nesont point l'é-
cho du passé. Elles sont un blasphème contre
cette providence visible qui remue les peuples.
On peut suivre leurs traces progressives à tra-
vers les ruines couchées au loin derrière eux.
L'humanité n'a de progrès que par la lutte, et,
on peut le dire , par l'expiation. C'est toujours
la force qui fraie le chemin au droit. Les peu-
ples jalonnent leur route ardue des tronçons
brisés de leurs chaînes. Le monde a toujours
Liberté, Égalité, Fraternité.
C ARC AS SONNE; CE 23 MARS 1848.
De l'Union Républicaine.
La France est appelée à donner au monde le
plus grand spectacle des temps modernes.
Une royauté élue, entée sur l'hérédité, a été
brisée par un peuple vengeur, comme une bran-
che vermoulue sur un tronc mine dans ses ra-
cines.
La logique de la liberté a passé dans les faits.
Tout sophisme politique a été submergé.dans
une puissante irruption des principes, et la
souveraineté a reconquis son domaine.
A la nouvelle de celle immense révolution ,
en face des pouvoirs partout abattus ou fuyant
devant les manifestations populaires, la France,
émue sans être ébranlée, s'est montrée con-
fiante dans l'avenir , et calme dans sa force.
Alors que toute autorité constituée tombait de-
vant la souveraineté nationale, l'esprit civique
s'est régi lui-même, et le peuple et l'armée
ont obéi au gouvernement de la. raison public
que.
Le peuple français, ce premier-né de la çi-
vilisation, est rendu à lui-même .et à tous les
peuples ses frères, qui attendent de lui l'exem-
ple d'un ordre social fondé sur le respect de
tous les droits, et l'enseignement d'une liberté
pacifique. Par lui et pour, lui, l'idée triomphe
de la matière, le drapeau du droit national est
arboré sur les ruines de la force, et la France
: le salue d'un long cri d'admiration. Elle justifie,
elle grandit encore, par son courage et par sa
sagesse, sa vieille" renommée d'institutrice du
monde, rôle éclatant dont elle a toujours les
combats comme les gloires.
Les révolutions de l'Europe moderne se sont
toutes accomplies au nom et par la puissance
des idées.
Il n'y a point eu de révolution de palais,
toutes ont eu leur racine dans la conscience
humaine. Mais toutes aussi, plus ou moins in-
fidèles à leur principe, l'ont arrachée ou vio-
lemment ébranlée, en déchirant le coeur des
peuples. Elle sont dévié de leur ligne. Elles ont
fait fausse route sous le vent des passions des-
potiques ou d'un fanatisme barbare, dans l'ar-
bitraire ou dans le sang.
L'Angleterre de 1640 et de 1688, dominée
bientôt par des sectaires, opprima la conscience
religieuse et riva les fers de l'Irlande. La France
de 1789 aboutit, à travers de longues tempêtes
sillonnées des éclairs de la gloire, à une halte
non moins glorieuse sous le despotisme. L'Em-
pire a ployé sous le faix de ses conquêtes,
que la liberté seule aurait pu porter quelque
temps, pour s'en décharger ensuite en les dis-
tribuant, comme un patrimoine, aux peuples af-
franchis. La pensée et la liberté eussent pu
seules animer la France impériale d'une vie
durable; mais en se retirant elles laissèrent à
découvert le néant dé la force. La restauration
a péri par-l'excès de son principe, l'autorité ,
qui a méconnu la liberté,. La royauté de 1830,
au contraire, servie par des majorités vénales,
à' voulu étouffer son principe ; mais bientôt
énervée par la corruption, à bout de voie, elle
a trébuché au sépulcre où elle avait enseveli la
liberté.
Eh bien ! la liberté immortelle s'est levée.
Aujourd'hui, comme au siècle dernier , elle
est debout au milieu des débris gisants sur le
sol. Mais celte fois elle n'a plus d'ennemis en
face , et c'est par les bras de tout un peuple ,
par le concours de toutes les volontés, de tous
les talents, de toutes les âmes qu'elle va élever
son monument.
Ce monument , c'est la République.
I1 sera inébranlable sur des bases affermies
par l'expérience du passé. Les volontés unies
le préserveront de toute secousse, et il abritera
les générations de l'avenir.
La République , c'est le gouvernement du
droit. Or. , le droit est universel de sa nature;
il appartient au corps entier et à chacun, de ses
membres. C'est la raison divine et la raison phi-
losophique qui l'ont promulgué dans le monde.
Nulle constitution politique ne peut tenir contre
le droit, et tout ce qui se fait sans lui est contre
lui.
De même tout ce qui se fait sans le peuple
est contre le peuple. ■
Il faut qu'un commun foyer, où viennent
converger tous les rayons du génie français ,
de l'âme française, brille au front de la répu-
blique ; qu'il darde sa clarté par-delà les fron-
tières , sur la tête des peuples attentifs , et
que tout ce qui pense et sent dans le monde,
toute idée et toute vertu, s'éclaire à cette
lumière tranquille et large.
I1 faut que toute conscience soit respectée ,
soit libre; que le jeu franc des intelligences, la
spontanéité des actes du citoyen imprime sur
le berceau de la République un sceau auguste
comme la sagesse, puissant comme la liberté,
éternel comme la vérité.
Il faut qu'un même esprit civique anime tout
le grand corps; que la vie générale n'ait qu'un
même coeur , la patrie ; un même principe, le
peuple; de mêmes organes, les lois; un même
cerveau, l'idée de la République.
Mais il faut surtout que le peuple français
tout entier sente circuler en lui la vie nouvelle;
qu'elle pénètre partout, jusque dans les derniers
retranchements des montagnes, et qu'elle élè-
ve, échauffe, remue les intelligences les plus
humbles et les coeurs les plus engourdis.
Et qu'on ne croie pas que ce soit là une cho-
se impossible. Déjà la France a prouvé ce que
peuvent dans son sein les idées de liberté. Ses
enfants les plus obscurs se transforment en
héros. Appuyée autrefois sur eux, elle a fait
tête au choc du monde ; et tandis qu'elle était
livrée à de terribles crises intérieures, elle a
cotoyé l'abîme pour gravir jusqu'au sommet de
la gloire.
Ce que le sentiment de l'indépendance natio-
nale fit alors, le sentiment du droit et du de-
voir le fera aujourd'hui dans tous les rangs du
peuple.
Ce sentiment est naturel à l'homme.
En France surtout, on peut éveiller dans les
âmes l'ardeur du civisme aussi vivement que
l'ardeur des batailles. Toutes les sortes de pa-
triotisme , tous les modes d'exercer la souve-
raineté du citoyen passeront dans les moeurs et
dans les habitudes du peuple.
Que le peuple donc entende la voix du temps
et qu'il se connaisse! qu'il s'inspire dé cet in-
faillible instinct qui bat dans sa poitrine , qui
régit ses masses aux jours du danger et de l'hé-
roïsme , et qui les rassied dans un calme im-
posant après le triomphe ! qu'il ne laisse point
sommeiller sa victoire, mais qu'il veille avec
elle sur ses destinées , pour qu'elles ne tombent
jamais aux mains des dictateurs!
Car c'est avant tout par la dictature que les
plus belles conquêtes du peuple risquent d'être
perdues ; c'est par elle que nous voyons trop
souvent dans l'histoire, au bout des révolutions,
les mains du peuple enchaînées et ses larmes
couler.
Disons-le hautement.. Quelle est la plus forte
objection des hommes d'oligarchie contre les
révolutions populaires? évidemment c'est celle
qu'ils fondent sur le fatal résultat des ambi-
tions , du fanatisme et des conflits que , sui-
vant eux, ces révolutions excitent: Ils nous
montrent d'abord la liberté aux prises avec la
licence , et puis, la dictature qui vient mettre
fin à la querelle des deux ennemies , et leur
imposerla paix de la mort. Comme si l'huma-
nité était condamnée à des luttes toujours re-
naissantes dans un cerele inflexible sans autre
trêve que le temps nécessaire pour reprendre
haleine et pour s'armer de nouveau contre elle-
même !
Non , ces prédictions impies ne sont point
le mot de l'avenir; non, elles nesont point l'é-
cho du passé. Elles sont un blasphème contre
cette providence visible qui remue les peuples.
On peut suivre leurs traces progressives à tra-
vers les ruines couchées au loin derrière eux.
L'humanité n'a de progrès que par la lutte, et,
on peut le dire , par l'expiation. C'est toujours
la force qui fraie le chemin au droit. Les peu-
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