Mythes du Voyage

En écho à l'exposition patrimoniale En Voyage ! XVe → XXIe s. qui aura lieu du 1er février au 31 mars 2023 à la médiathèque Émile Zola, nous vous proposons de suivre les traces de deux périples mythiques à travers les collections de Mémonum : la Fuite en Égypte et l'Odyssée d'Homère.

Iconographie d’un voyage mythique : la Fuite en Égypte

 

La Fuite en Égypte est un épisode relaté dans l’Évangile selon Saint Matthieu. La Sainte Famille – la Vierge Marie, l’enfant Jésus et Joseph - fuit Bethléem, car un Ange est apparu en songe à Joseph, l’avertissant du projet terrible du roi Hérode : celui-ci s’apprête à tuer tous les enfants de moins de deux ans pour empêcher la venue d’un « Roi des Juifs ».

 

Livre d'Heure 15e siècle
Heures de la Vierge / XVe siècle. Vélin.

 

 

Cette vue tirée d’un livre d’heure du XVe siècle - proposé dans le premier chapitre de l’exposition -  présente plusieurs motifs de l’imagerie du voyage : présence en arrière-plan, bien distincte, de la ville et de la nature (la forêt et la montagne sont dans l’imaginaire chrétien médiéval la traduction du désert), mise en exergue du moyen de déplacement (l’âne), et des habits du voyageur, ici ceux de Joseph. Autant de motifs que l’on peut retrouver, avec diverses variations et développement, dans l’iconographie de cet épisode biblique.

 

Dans cette sélection d’estampes, l’épisode de la Fuite en Égypte est représenté à différents moment de l’action.

 

La Fuite en Egypte Bourdon Sebastien
Sébastien Bourdon (1616-1671) / La Fuite en Egypte, eau-forte - 16…

 

Juste après l’apparition de l’ange à Joseph, on peut sentir l’urgence du départ, avec la Sainte Vierge souvent à pied, dissimulant l’enfant contre elle, dans les plis de son vêtement. Joseph, quant à lui, guide et tient l’âne en longe. Cette scène a été gravée par Sébastien Bourdon, illustre peintre et graveur du XVIIe siècle, né à Montpellier.

 

La fuite en Égypte Della Bella
Stefano Della Bella (1610-1664) / La fuite en Egypte, eau-forte - 16…

 

D’autres estampes montrent les voyageurs en chemin. Il faut fuir le danger et Marie est juchée sur l’âne, portant l’enfant Jésus, tandis que Joseph chemine à pied, parfois équipé d’un bâton. Joseph amène l’âne à l’abreuvoir et y remplit sa gourde, symbole du dénuement dans lequel les plonge cette fuite (ils n’emportent souvent qu’un baluchon et quelques maigres paquets), et reflet du quotidien du voyageur, pour qui les points d’eau deviennent vitaux. La fatigue et la lassitude se devinent dans les traits des personnages, admirablement représentés par l'immense Stefano Della Bella, graveur italien de la Renaissance dont l'héritage et l'empreinte sont précieux.
Lors des scènes du « Repos », le cadrage peut s’élargir et offrir une vue dégagée des alentours.

 

le Repos de la Sainte Famille
Herman van Swanevelt (1603 ? -1655) / Paysage avec la Sainte Famille et deux anges, eau-forte - 16…

 

Le spectateur - comme les voyageurs de la scène - sont invités à prendre le temps de s’asseoir et de contempler autour d’eux le paysage. Une ambiance pastorale, où la nature se montre prodigue avec ses arbres aux branches lourdes de fruits et l'eau fraîche d'un ruisseau qui n’est jamais loin pour abreuver l’âne. C'est ici Herman van Swanevelt, représentant du style baroque flamand qui immortalise ce moment de repos.

 

Ulysse : le voyageur par excellence

 

Figure du héros qu’il représente à merveille, Ulysse entreprend un long voyage pour rentrer chez lui, à Ithaque, après la Guerre de Troie. Il entame un périple qui sera parsemé de détours, escales, interruptions et autres avaries, qu’Homère nous raconte dans l’Odyssée. Très représentées dans l’iconographie artistique, voici quelques-unes de ses péripéties, piochées dans Mémonum…

Les estampes de Theodor van Thulden (1606-1669)

 

Embarquement des Grecs après la prise de Troie
Van Thulden, Theodor (1606-1669) - Le Primatice (1503-1570) / Embarquement des Grecs après la prise de Troie - 1632

 

Van Thulden reprend ici le thème du départ ; Troie est détruite, la guerre est finie : les bateaux sont prêts à prendre la mer. Le décor de l’Odyssée est planté.

Présent dans les années 1630 au château de Fontainebleau, Theodor van Thulden réalisa un recueil à partir des 58 tableaux de l’ancienne galerie d’Ulysse, conçue sous la direction du Primatice au milieu du XVIe siècle, et détruite en 1739. Les estampes de van Thulden sont les seules traces de ces fresques.

On y retrouve le maniérisme du XVIe siècle : les détails dans les drapés sont superbes, les corps modelés et harmonieux. Cette série suggère le mouvement, l'effort, parfois la tension. Les scènes maritimes sont très représentées, ainsi que les grandes étapes du parcours du héros et de ses compagnons.

 

Ulysse aborde dans l'île de Circé
Van Thulden, Theodor ( 1606-1669), Le Primatice (1503-1570) / Ulysse aborde dans l'île de Circé - 1632

 

Le bateau est toujours représenté pour rappeler que la scène n’est qu’une étape dans le parcours du héros.

 

Poursuite du vouage
Van Thulden, Theodoor (1606-1669) - Le Primatice (1503-1570) / Poursuite du voyage grâce aux vents favorables - 1632

 

Une scène d’accalmie dans ce long voyage…

 

Un autre graveur s’est approché d’Ulysse dans son travail : Dominique Barrière (1618-1678). Graveur marseillais, il s’installe en Italie et travaille avec Claude Gellée dit « le Lorrain ». Il reprend un de ses dessins pour cette gravure qui rappelle les thèmes principaux du voyage : le quai, le bateau, la ligne d’horizon. Si ce n’est Ulysse qui est représenté, c’est sans aucun doute un voyageur au long cours !

 

Port de mer, effet de brume
Barrière, Dominique (1618-1678) / Port de mer, effet de brume : l'Embarquement d'Ulysse, ou d'Enée, Iule et Achate ? - 1632

 

Au début du XXe siècle, c’est dans la revue Septimanie que la figure d’Ulysse fait une apparition. Cette revue fut créée par Paul Duplessis de Pouzilhac, médecin de Narbonne, ami entre autres d'André Gide, Paul Valéry, Paul Claudel, Picasso et Derain. Duplessis de Pouzilhac fonde cette prestigieuse revue en 1923. Revue régionaliste d’art, la qualité de ses contributeurs et l’attention particulière apportée à la typographie et aux illustrations en fait une référence en la matière.


Dans le numéro de janvier de 1923, nous découvrons Circée gardant ses cochons, les malheureux compagnons d’Ulysse transformés par la magicienne et s’adaptant à leur nouvelle condition. Le texte apporte un angle humoristique à cet épisode de l'Odyssée : les marins-porcs demandent la prolongation du sortilège, afin de rester auprès de la magicienne. On les comprend : Circée apparaît sous les traits d'une danseuse de music-hall, figure incontournable des Années Folles...

 

Circé gardant ses cochons
Lapujade / in Septimanie - 1923

 

Ulysse quant à lui, est représenté en soldat grec traditionnel, droit comme un "I", fier et déterminé. Prêt à repartir?

Ulysse Septimanie
Lapujade in Septimanie - 1923