Eau ludique : plage, plongée, plouf !
Quel tout petit n’a pas instinctivement sauté pieds joints sur la première flaque à sa portée ? Le bonheur innocent des chaussures mouillées… Sur la rive surpeuplée, sur les vagues agitées ou sous la houle, masqué, en maillot ou en apnée, en canot, sur une planche ou à la voile, toutes les tenues et tous les accessoires sont les bienvenus dès qu’il s’agit de se détendre, de se divertir ou de s’activer dans l’eau. Du château de sable à la course en solitaire autour du monde en passant par le ski nautique, les activités aquatiques ludiques ou athlétiques se déclinent à l’infini au gré des imaginations et des inspirations.
30 - « Les fontaines et les eaux sont l’âme des jardins. »
Antoine-Joseph Dezallier d'Argenville : La théorie et la pratique du jardinage, où l'on traite à fond des beaux jardins […]. Paris : Mariette, 1747
Ne cherchez pas dans ce livre des conseils pour planter les carottes et les radis ! Il n’y est pas question de potager mais de jardin « à la française » et c’est même l’ouvrage de référence sur le sujet. L’auteur, qui a une formation de peintre et d’architecte, y explique comment les dessiner sur le papier et sur le terrain et – car il est aussi naturaliste – quelles espèces d’arbres ou de fleurs il faut y planter. Mais c’est la dernière partie du livre consacrée aux questions hydrauliques qui nous intéresse. L’eau est non seulement indispensable à l’arrosage des plantes, elle est également l’un des principaux agréments des parcs et jardins. La planche exposée est consacrée à l’aménagement des cascades. Aussi laissons-nous porter par le ruissellement des mots : « Les cascades sont composées de nappes, de buffets, de masques ou dégueuleux, de bouillons, de champignons, de gerbes, de jets, moutons, chandeliers, grilles, cierges, lames, croisées et berceaux d'eau. On les accompagne d'ornements maritimes convenables aux eaux, comme de glaçons, de rocailles, de congélations, pétrifications, coquillages, feuilles d'eau, joncs et roseaux imitant le naturel, qui servent à revêtir le parement des murs et bordures des bassins. On les orne de figures, dont le naturel est d'être dans l'eau, comme de fleuves, de naïades ou nymphes des eaux, de tritons, de serpents, chevaux marins, dragons, dauphins, grisons, grenouilles, auxquels on fait lancer et vomir des traits et torrents d'eau. »
31 - Deux jours avant la guerre, une invitation au loisir nautique !
« Planking ». Dans Femina : publication. bi-mensuelle illustrée. Numéro spécial sur la mer. Paris : Août 1914
Créé en 1901 par Pierre Laffite sur le modèle de publications américaines, le bimensuel Fémina fut le premier « magazine féminin » français à destination de la bourgeoisie. L’édition est assez luxueuse pour comprendre de nombreuses photographies et illustrations de qualité. La publication promeut le sport féminin – pour des raisons de santé et de beauté – et adopte un ton et des propos à portée émancipatrice, tout en se gardant de heurter frontalement les bonnes mœurs. Le planking – sport de planche à mi-chemin du paddle et du kite surf – est illustré par une photographie qui semble bien placer l’homme et la femme à égalité : leurs postures et tenues sont comparables, et ils recherchent un équilibre balancé. L’eau serait-elle l’espace d’un nouveau rapport des genres ? Quoi qu’il en soit, deux jours plus tard, la déclaration de guerre met un terme brutal à la Belle Époque.
32 - Un grand spectacle sur la Seine, déjà
Description des festes données par la ville de Paris à l'occasion du mariage de Madame Louise-Elisabeth de France et de Don Philippe […]. Paris : Le Mercier, 1740
Ce n’est pas la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, mais çà y ressemble beaucoup ! A l’occasion du mariage d’une fille de Louis XV, la Ville de Paris offre un spectacle grandiose sur la Seine, entre le Pont-Royal (en bas de l’image) et le Pont-Neuf (en haut). Le roi y assiste depuis un balcon du palais du Louvre (à gauche) cependant que le public est massé sur des gradins de part et d’autre de la Seine. La musique joue dans un pavillon octogonal flottant. Au programme : joutes, illuminations, parade de bateaux – on les voit amarrés, après le défilé, le long des quais. Mais le clou du spectacle est un immense feu d’artifice tiré du Pont-Neuf et de l’édifice en forme de temple grec spécialement aménagé à la pointe de l’île de la Cité : un soleil éblouissant s'embrase et trois gerbes de feu – la plus puissante composée de 5000 fusées – s’élèvent dans le ciel. Sur le fleuve, des monstres marins crachent du feu et des bateaux mettent à l’eau des artifices flottant.
33 - Le petit monde des villes d’eaux
« Chronique balnéaire ». Dans : Le petit baigneur, journal anecdotique, fantaisiste et artistique des villes d'eaux du midi. Montpellier : 1886
Cette éphémère gazette résolument légère et apolitique s’adresse au public des stations thermales ou balnéaires, ainsi que l’affirme sa devise : « Tout pour les bains et par les bains ». Un édito programmatique paru dans le 1er numéro et plaisamment intitulé « Un photographe dans un aquarium » en définit l’esprit : « Ce sont tous les petits mystères de ce monde microscopique, de cette société en raccourci que nous nous proposons de dévoiler dans Le Petit baigneur, véritable caléidoscope maritime et thermal à la fois, où viendront se peindre les notabilités méridionales en déshabillé, nos célébrités en caleçon, nos illustrations en pantoufles ». Le journal donne en particulier l’actualité des fêtes et spectacles proposés par les villes dites d’eaux (comme ici les biséculaires joutes de la saint Louis à Sète) à ceux qui ne sont pas encore des « vacanciers » – on est 50 ans avant les congés payés. La sociabilité sinon la mondanité et le divertissement supplantent désormais les préoccupations médicales.
34 - Jeu de lumière
Jean-Joseph Bonaventure Laurens : La plage de Palavas. 1875 © Musée Fabre, Montpellier Méditerranée Métropole
Fonctionnaire qui fait l’essentiel de sa carrière à Montpellier, l’aîné des Laurens – son frère cadet Jules est aussi peintre – développe en parallèle une activité de musicien et de peintre. Cette aquarelle représentant la plage de Palavas est marquée par le souvenir d’un tableau peint en 1854 par Gustave Courbet et conservé aujourd’hui au musée Fabre. Un mécène de Courbet, le collectionneur montpelliérain Alfred Bruyas, avait invité le peintre réaliste à découvrir ce coin de littoral encore sauvage à l’époque : « Le pays vous enchantera, le ciel a une couleur incomparable, la lumière est aussi fine que celle d’Ornans et puis il y a la mer. » C’est cette lumière, sous un ciel chargé, que Laurens restitue avec un indéniable métier.
35 - Un carnaval de plage
Gustave Doré : « Scènes plus ou moins maritimes ; exercices, accidents, plaisirs, déplaisirs et amusements des bains de mer. » Dans Recueil de dessins : parus dans le Journal pour rire. 1849
Le Journal pour rire, hebdomadaire, nait dans le sillage de la révolution de 1848. Il accueille les premiers dessins « professionnels » du futur prodige de l’illustration : Gustave Doré, qui n’a alors que dix-sept ans. Ces « scènes plus ou moins maritimes », qui ont des airs de Sempé, de Tati et de « Cherchez Charlie », empruntent au vocabulaire pictural. Cela n’est pas étonnant : au milieu du XIXe siècle, les caricaturistes ont la pratique de tourner en dérision les tableaux et les peintres du Salon. Ici, les scènes de vie villageoises des Brueghel comme les fresques médiévales de l’enfer sont convoquées en arrière-plan de ce gigantesque carnaval qui préfigure l’âge d’or des loisirs de plage. Les charrettes dévolues au changement de tenue, d’où plongent baigneurs et baigneuses, avec l’aide (ou parfois l’insistance !) de « guides-jurés » (ancêtres des maîtres-nageurs) évoquent les roulottes des comédiens de foire. La domestication de la mer de baignade est en cours, d’abord pour raison de santé. Mais c’est un théâtre qu'elle met en place, tandis que la mer, la vraie, celle des navires au long cours, est reléguée à un horizon particulièrement étroit.
36 - Un irrésistible appel
Max Leenhardt : La source. Vers 1930 © Musée Fabre, Montpellier Méditerranée Métropole
On connaît du peintre montpelliérain Max Leenhardt les grandes compositions huguenotes comme le Prêche au Désert ou les Prisonnières à la tour de Constance. Cet artiste, élève d’Alexandre Cabanel et cousin de Frédéric Bazille, a pourtant eu une production bien plus diversifiée. En témoigne cette petite huile sur toile où le thème biblique de la rencontre au puits est transformé en une délicieuse scène de genre. Entourée de son aura de mystère, la source attire et retient tout à la fois les enfants qui n’osent (pas encore) s’approcher tout à fait de ce prometteur terrain de jeu.