Quel beau matin, que celui des étrennes!
Une branche de verveine, deux gobelets d’or ciselé sertis de diamants ou un petit billet, les étrennes sont une attention qui marquent le début de l’année…consommation effrénée ou don de soi ?
Symmaque (342-402), aristocrate romain et défenseur du paganisme contre le christianisme triomphant, nous relate que l’usage des étrennes fut introduit sous l’autorité du roi Tatius. Celui-ci fut le premier à recevoir la verveine du bois sacré de la déesse Strenia pour le bon augure de la nouvelle année. Les Romains substituèrent aux branches d’arbres des figues séchées, des dattes et du miel blanc. Les petites pièces de monnaie auguraient la prospérité de l’année à venir.
...mais c’est à l’empereur que la coutume voulut qu’on offrît de l’argent. Suétone nous apprend qu’Auguste s’en servait pour ériger des statues de dieux comme le mercantile...Mercure.
En Gaule, chaque début d'année, les druides cueillaient du gui pour les habitants et l'accrochaient dans leur maison en guise de porte-bonheur. Il était alors d'usage d'accueillir les invités en les embrassant sous le gui pour leur porter chance, leur souhaiter de bonnes récoltes, la fécondité ou encore pour éloigner les mauvais esprits.
Au diable les étrennes ou l’importance de la donation dans l’économie de l’au-delà !
Au début de la chrétienté, les étrennes sont considérées comme un acte de paganisme. Thomas d’Aquin énonce le désintéressement de l’acte de donner dans un horizon sacrificiel et irrationnel. Le don comme pratique sociale devient omniprésent au Moyen-âge. L’acte rédempteur se pratique notamment à travers l’aumône ou le don fait aux pauvres.
Au XVIIIème s., Kant recentre l’individu investi par son propre intérêt qui plus est dans un monde capitaliste en devenir. Mais celui-ci peut sous certaines conditions se montrer désintéressé dans un rapport réflexif à soi-même.
A la cour des Grands, on rivalise d’attention toujours plus fastueuses. Sous Louis XIV, Mme de Montespan reçut en 1679 à l’apogée de sa faveur, des cadeaux d’une valeur d’un demi-million, somme colossale à l’époque. La pratique fut virale dans la société parisienne qui croulait sous une débauche de cadeaux.
La crise financière qui suivit sous Louis XV mit un peu de sagesse. Les étrennes empruntèrent à la mièvrerie du moment les formes roucoulantes de cœurs enlacés et percés de flèches avec un soupçon de quelques pierres précieuses.
La révolution mit un terme à ces réjouissances car elles proviennent de tyrans « elles vont à l’encontre du principe d’égalité et elles portent atteintes à la dignité du citoyen ».
Mais les traditions sont tenaces et le désir de marquer la nouvelle année notamment par le peuple vit rapidement le retour des étrennes. L’avènement des grands magasins à partir de la deuxième moitié du XIXème siècle associés à la publicité globalisa la pratique. Depuis l’on peut questionner l’idée d’une société du don et sa signification où chacun tend à inventer ses propres rituels.